Dans l’oeil de Yoko – Episode#3 – La cuisine et la salle à manger

Dans l’oeil de Yoko – Episode#3 – La cuisine et la salle à manger

La cuisine et la salle à manger

Pour ce nouvel épisode de « Dans l’œil de Yoko », nous nous intéressons à la cuisine et la salle à manger. Et afin de mieux comprendre son évolution je vous propose de faire un saut dans l’histoire.

La maison depuis tout temps s’est organisée autour du foyer, celui qui réchauffe et qui se situe au cœur de la maison. Mais l’essentiel était de maîtriser ce feu très instable : trop proche il pouvait bruler, trop loin il ne cuisait pas. Les modes de cuisson ont été savamment étudiés au cours de siècles pour aider le corps à ingérer, digérer puis métaboliser.  

C’est au coeur de la cuisine que l’essentiel de la culture culinaire s’est développé, autour d’un feu disposé au centre de la pièce principale des habitations modestes. Poser une assiette pour le pauvre ou le voyageur était l’expression de la solidarité et du lien social représenté par le partage du repas familial intergénérationnel.

Pour les plus fortunés, manger était plus une occasion de festoyer et d’abuser des bonnes choses. Les mieux nantis ne cuisinaient pas, ils se faisaient servir. Cette tâche ne leur étant pas destinée, la salle à manger est donc née.

La cuisine s’est alors excentrée dans les grands appartements bourgeois, près d’une entrée de service, loin des regards. Voire même dans les sous-sols des châteaux.  Un personnel dédié pouvait ainsi vaquer et faire transiter par cette entrée ce qui n’était et ne devait être vu.

C’est à partir du XXème siècle que la cuisine regagne le cœur de la maison en même temps que les révolutions technologiques et industrielles. L’exode rural apporte eau et électricité au cœur des maisons. La cuisine prend peu à peu la forme qui nous lui connaissons aujourd’hui. Plus les décennies avancent, plus la cuisine s’ouvre venant se calquer et intégrer les modes de vie où le plaisir culinaire se partage en famille et entre amis. La salle à manger disparait petit à petit en tant que pièce à part au profit de coin repas intégré à la cuisine ou au salon.

La cuisine est devenue en l’espace de 70 ans, une pièce centrale et essentielle dans l’équilibre de la maison. En effet c’est le lieu où transitent les aliments qui seront acquis, transformés, préparés, voire sublimés pour nourrir notre énergie vitale. Elle est étroitement liée à notre santé et à notre vitalité.

Ce qui me fait souvent dire qu’habiter sa cuisine pleinement, c’est habiter son corps et être soucieux de sa santé. C’est se respecter , prendre un temps pour soi. Elle est associée à l’hygiène, le cadre, le rangement mais nous renvoie aussi à notre capacité à partager et à notre générosité. La cuisine est le lieu depuis lequel on va à la fois offrir une nourriture physiologique qui permet au corps son bon fonctionnement, créer du lien psychologique et émotionnelle avec son entourage et être un lieu de partage et de transmission.

Pourquoi et comment la cuisine s’est ouverte avec le temps ?

Comme évoqué précédemment, elle a évolué avec les modes de vie et notamment avec la transformation de la place de la femme dans la société. Alors que celle-ci a été longtemps cantonnée aux tâches domestiques et culinaires, c’est à partir des années 60 de l’autre côté de l’atlantique que la cuisine commence à s’ouvrir sur le salon, salon où l’on cause, où l’on reçoit, où l’on s’ouvre au monde extérieur. La femme en ouvrant cette fenêtre sur le salon, fait également entrer dans la cuisine le monde extérieur et la convivialité associée.  Il faut voir cela comme un double mouvement qui se nourrit.

La cuisine a enfin repris son rôle de cœur de maison où l’on prend plaisir à se rassembler. Sans même s’en rendre compte nous revenons à l’essence même du foyer préhistorique : le feu qui réchauffe, qui cuit, qui rassemble.

Alors que dit de nous notre cuisine ?

La première chose « visible » est la manière dont elle est rangée et ordonnée qui informe sur le rapport à soi-même et à sa santé. La cuisine se doit aussi d’être conviviale. Faire l’objet d’un désir. Car pour être fonctionnelle, il faut que l’objet « cuisine » devienne un espace habité de relations affectives. La cuisine est une mise en scène de l’expression du fantasme de ses habitants. Là où l’image de nos corps prend racine, là où il se nourrit et se développe. Dès lors l’ergonomie intervient et aide la créativité à se mettre en mouvement, vient faire danser les corps, et faire ressurgir des éprouvés archaïques.

Les cuisinistes l’ont bien compris et proposent aujourd’hui d’allier à cet espace, fonctionnalité, technologie, design tout en honorant la tradition pour faire de votre quotidien une expérience à part entière.  Elle se met dans les grandes métropoles à l’épreuve de l’espace : mieux vaut une micro cuisine organisée qu’une grande cuisine désordonnée. Mais l’aménagement d’une cuisine requière un budget non négligeable. C’est une des pièces avec la salle de bain les plus dispendieuses. D’autant plus si on privilégie la qualité des matériaux, de l’électroménager, mais également de la vaisselle et des ustensiles qui viendront offrir un confort non négligeable.  L’espace cuisine n’est plus exclusivement connoté au féminin. C’est une lieu de ralliement familial pour ceux qui veulent construire et entretenir des liens étroits.

Au-delà de l’ordre de la cuisine, qui peut être à la fois exaltant et terrifiant quel rôle la cuisine joue -t’elle dans votre propre modèle familial ? Est-elle :

  • Habitée ? Surinvestie ? Désertée ? En transition ?
  • Polyvalente ? Fonctionnelle ?  Soignée ? Ordonnée ?
  • Ouverte ?  Débordante ? 
  • Fermée ? Contenante ?
  • Accueillante ? Joyeuse ? Neutre ?
  • Un royaume à part entière ?
  • Un espace de rituels admis par tous ?  Ou au contraire un espace individuel anarchique ?
  • Un espace de discutions animées ? Ou un lieu de retenue où la parole ne peut se libérer ?

La cuisine offre une lecture intéressante sur les interactions et les liens familiaux. En répondant aux questions précédentes, une typologie se dessine et permet d’analyser ce que l’on peut améliorer. 

Dans un des épisodes de « A la rencontre de », je raconte une séance de domo coaching dans un appartement familial où les clients m’ont appelé parce qu’ils voulaient recréer chez eux ce qu’ils éprouvaient lorsqu’ils sont en vacances attablés autour d’une table. A mon arrivée chez eux, je m’aperçois que la table de la salle à manger n’a pas de chaise autour, est blanche, brillante, anguleuse et collée à la fenêtre. La cuisine quant à elle ouverte sur l’espace à manger, bénéficie d’un bar étroit et apposé à une verrière. Aucune communication et mise en avant des liens familiaux n’est possible dans cet agencement.  Les clients étaient en souffrance ne comprenant pas les raisons de la distanciation des liens dès leur retour à Paris. Nous avons pu réaménager leur cuisine/ salle à manger avec de nouveaux éléments (banquette, table en bois, coins arrondis, couleurs et peinture, textile …)  favorisant ainsi l’envie collective de s’attabler, de se retrouver, et de favoriser les échanges.

Lorsque je suis appelée pour une rénovation de cuisine, je cherche toujours à savoir quelles sont les relations que la/les personnes entretiennent avec la nourriture, et les préparatifs culinaires. Leur passif familial.  Cela me permet d’identifier quels types d’aménagement nous allons pouvoir mettre en place. J’ai eu une cliente qui voulait refaire sa cuisine mais qui n’y attachait aucune importance. Elle la trouvait vieillotte et pensait à une éventuelle revente. Elle me confia en parallèle qu’elle conservait de son enfance de mauvais souvenirs où les disputes autour de la table et les punitions étaient coutumières. Il a fallu user de patience pour construire un projet à son image, qu’elle se l’approprie et fasse de sa cuisine un environnement joyeux. Mais elle n’était pas prête à ouvrir la cuisine sur son espace à vivre. Je compris que les souvenirs étaient encore trop douloureux.

Comme vous l’aurez compris la cuisine a beaucoup à vous apprendre sur les liens que vous entretenez à votre famille, à votre santé, à votre capacité de partage et de transmission. N’oubliez pas que la cuisine réveille les principaux sens, et qu’elle offre autant de nourriture matérielle que spirituelle.

Dans le prochain épisode de « Dans l’œil de Yoko », le salon sera à l’honneur.

A très vite ! Des questions ? Des interactions ? Je suis à votre écoute.